Body Fluids, 1997
Body Fluids – Sécrétions Humaines, 1997
Tirage Cibachrome contrecollé sur aluminium
32 x 25 cm
Édition de 2
Plusieurs images font partie d’une installation
Voir la vie et la mort en même temps.
Collecter le sang, le sperme, le lait maternel et la cyprine auprès de personnes séropositives où non.
Poser ces fluides directement sur du film photographique (4x5inch).
Me retrouver dans le noir et choisir les teintes.
Texte de Frédéric Karikésé, 1997
Conseiller à la programmation au Centre Culturel de Huy en Belgique
C’est une militante d’un ordre nouveau. Celui des jeunes face au nouveau véhicule abject de la mort (celle-là même dont ils se sentaient exonérés jusqu’à bien plus tard) : l’amour, ce sentiment que la jeunesse, en sa beauté, croit détenir en priorité, voir parfois, en exclusivité. Le diable n’est jamais aussi efficace que lorsqu’il est déguisé nous dit-on et nous dit-elle. Et pourtant, l’on ne peut s’empêcher de voir de l’abstraction lyrique dans ces humeurs colorées (qui ont appartenu à des êtres encore vivants, en proviennent !), de trouver belles, ces fleurs vénéneuses, issues souvent d’un plaisir, pas toujours intense certes mais parfois apparemment gratuit.
Pourtant, tous ces idéogrammes n’ont qu’une seule signification : la fin. La « petite mort » s’est vu rattraper par la grande. L’appétit de vie d’Isabelle est donc inscrit d’une manière patente sur ces images. En larmes de sang, de cyprin ou de sperme. Les deux thèmes privilégiés de S.Freud : Eros et Thanatos s’épousent une fois déterminante de plus en une actualité noire et en un nouveau scénario de vampire. Il ne s’agit pas « que » d’art : la sincérité d’Isabelle est confirmée par son engagement professionnel quotidien.
Epoque tragique que celle-ci. Le lait des hommes : celui qui donnait la vie et était l’expression violente de leur gratitude envers les femmes, devient un vecteur de mort. Le liquide des femmes, celui qui ne s’accommode jamais bien longtemps de stratégie sous-jacente, celui qui disait le désir attendrissant qu’elles avaient de nous, qui nous prouvait qu’elles fondaient pour nous, est devenu parfois poison létal. La salive câline redevient crachat et l’on doit aimer, en se protégeant de l’autre, à l’aide de la matière même dont s’enveloppent les médecins légistes pour pénétrer en leurs cadavres.
Pour ceux que les images choqueraient, qu’ils sachent que ce n’est pas la description d’un scandale qui est honteuse mais bien le scandale lui-même. Les pluies des hommes sont maintenant acides. Jadis d’été, elles deviennent hivernales. Le mouvement traditionnel de tout acte sexuel devient illustration des secondes d’une horloge funèbre. Les « photos » d’Isabelle Souriment exsudent que la mort était la considération première de la vie.
Frédéric Karikésé, 1997