Les Agités
Les agités sont nés après les éclopés. Ce projet a été réalisé dans notre laboratoire d’idées dans la laverie de l’ancien hôpital de Lectoure, 32. Un grand merci à Denis, Ian, Florian et tous les modèles. Chacun est invité à exprimer une idée sur sa place dans le monde et dans notre société.
Platine-palladium – Tirage 30×40 cm sur papier 100% coton. Tirage unique.
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Les agités est une série de photographies de portraits en noir et blanc prises dans le sous-sol d’un ancien hôpital. Le mur de l’arrière-plan est griffonné de signes, de petits dessins et de mots. On peut y voir jaillir des dualités telles que « matière/lumière », « esprit/corps », « atome/univers » ainsi que des traits ou encore des oiseaux, sortes de peintures pariétales, allusions existentielles à la naissance de l’art, décor à ces portraits agités et troublants.
Les petits bâtons groupés et barrés qui occupent le mur, ainsi que l’abondance des dessins qui s’y trouvent sont autant d’indices qui nous renvoient à l’enfermement mais surtout au temps qui passe. Les scènes photographiées reprennent les âges de la vie : du nourrisson baigné dans une bassine, à l’enfant qui joue et se déguise, en passant par le jeune couple et jusqu’à la morgue. Cependant, ces scènes ne sont jouées que par des adultes, accompagnés d’accessoires, d’animaux et ostensiblement éclairés. Les scènes religieuses mais aussi les jeux de tissus, l’animal empaillé ou la canne, sont nombres de clins d’œil à l’histoire de l’art : ne devine-t-on pas Joseph Beuys ou encore Andres Serrano dans certaines images ?
De façon plus littérale, c’est la dimension sanitaire des lieux, qui, mise en relation avec le titre « Les agités », sous-entend une activité mentale débordante, voire dévorante. Nous entrevoyons ici Louise Bourgeois écrivant en 2000 « Art is guarantee of sanity » sur un fond uni rose.
Le travail d’Isabelle Souriment nous propose une réflexion sur la vie : réflexion comme matière à penser mais aussi comme matière qui réfléchit ou reflète. Matière qui nous renvoie une image universelle dont les codes et sous-entendus sont eux-mêmes réfléchis par une histoire (de l’art) commune. Les agités sont des révoltés.
Selon l’étymologie première du mot, révoltés veut dire « re-tournés », ayant fait un demi-tour sur soi pour regarder derrière. Et notre animalité n’est pas loin : le jeu de mimesis de l’image qui clôt la série en témoigne. Les personnages repensent, rejouent leurs rêves ou leurs cauchemars : qu’ils se montrent pirate, danseuse, homme ficelé ou encore cadavre, la dimension cathartique du portrait est à son apogée, exorcisant dans ces jeux de mises en scène le poids des souvenirs et des années qui passent : condition si fidèle à notre humanité.
Marion Le Torrivellec, février 2017.